En 1982, alors jeune développeur dans une compagnie de recherche pétrolière, j'avais été envoyé pour former du personnel à Boulder. Après courtoise discussion avec notre chef d'agence, j'avais été invité à dîner avec d'autres responsables et quelques clients.

Cette invitation n'était pas le fait du hasard de mon passage dans cette filliale, elle avait été organisée à l'instigation de mon président. Ce dernier connaissant mon lien de famille avec Claude Monet m'avait demandé d'assister à ce dîner qui précédait une signature de contrat avec les clients en question.

Le soir venu, au restaurant, après les présentations habituelles, notre chef d'agence s'est arrangé pour glisser discretement la conversation sur l'art en général. Il n'a pas fallu longtemps pour que les sujets abordés concernent l'impressionnisme d'autant que nous étions de nombreux français autour de la table.

Et puis là, notre chef d'agence me pose une question comme s'il ne connaissait pas la réponse:
- Mais à propos Monsieur Piguet, n'êtes-vous pas vous-même affilié à Claude Monet?
A partir de cet instant, les clients américains n'ont eu de cesse de me poser mille questions concernant mon lien avec le grand maître, si j'avais vécu à Giverny et connu le jardin aux nymphéas, vu des tableaux du grand maître partout dans la maison etc. ?

On devine la suite où les clients en oublient (presque) le contrat objet du dîner ...
En fin de soirée, c'était pour moi un grand étonnement quand tous les clients prenant congé me serraient la main énergiquement avec un sourire parfois ému en me remerciant chaleureusement de ma petite causerie.

Je comprenais alors réllement pour la première fois de ma vie ce que Claude Monet représentait pour les américains et combien cette reconnaissance par ce peuple, à la fin du XIXéme siècle, avait été le vrai point de départ de sa notoriété et de sa bonne fortune.